mercredi 28 janvier 2009

Survivant

Petit homme. Abandonné dès tes premiers moments, tu as construit ta stratégie avec tes seules richesses disponibles: ton charme et ton instinct de survie. Il t'a fallu compétitionner et combattre pour gagner ta place. Deux ans de ténacité, de pleurs incompris, pour de rares moments de tendresse obtenus au détriment des autres petits. Pas le choix de subir "live or die" en continu. Angoisse, faim et tourments, malgré tout souriant et résilient dès le début. Et tu as marché vers nous étrangers, qui t'avons déraciné et amené loin de ton univers connu. On ne peut te reprocher ta force de séduction, la rigidité de tes positions et tes tentatives de manipulation. C'est grâce à ces traits de caractère que tu as survécu.

Petit homme. Je me réconcilie avec l'idée que tu ne viennes pas de moi, de mon corps; je tente de comprendre tes colères et tes humeurs en y mettant beaucoup d'efforts; parfois maladroitement je trébuche et j'échoue, mais les victoires n'en sont que plus douces. J'ai choisi de te guider et on a appris à s'aimer. Tu me montres la route au-delà, à devenir plus grande moi, inconditionnellement.

Petit homme. Je suis la figure maternelle qui pour toi signifie l'abandon. Je sais. Et pour toi je l'accepte même si j'en souffre. Malgré tes efforts à constamment mettre à l'épreuve mon amour, tes crises et ton opposition ne réussissent pas à réduire mon implication. Plus tard, j'espère et je rêve de rire du long chemin près du gouffre, sur lequel nous aurons toi et moi, réussi à construire un pont.

Petit homme. Tu poses maintenant des questions, mais comment te raconter sans confirmer que oui, elle t'a abandonné? Tu cherches ton histoire, mais l'introduction et le premier chapitre ont été égarés, subsistant peut-être en mots épars, ici et là-bas, dans quelques mémoires. Bientôt, je te présenterai ta boîte aux trésors dans laquelle j'ai conservé des morceaux de souvenirs qui reposent; on tentera ensemble de les recoller, pour solidifier les bases de ton monde.

Petit homme. Mon désir est que tu deviennes, un peu grâce à moi, le grand homme que je perçois en toi. Toi, le survivant.

16 commentaires:

En passant a dit…

C'est beau.

Pierre-Léon Lalonde a dit…

Avec toi à ses côtés,ce petit homme deviendra grand. Y'a pas de doute! Beau témoignage...

Anonyme a dit…

Si ce texte est autobiographique, vous avez, chere Persephone, toute mon admiration, pour ce texte touchant ainsi que pour votre patience et votre ouverture a cet autre maintenant tout petit, et bientot grand.

Âme Tourmentée a dit…

Ouff, quel texte superbe...

J'espère qu'il sait combien il est chanceux de t'avoir à ses côtés...

-xxx-

Perséphone a dit…

Laurent: oui c'est beau ce qu'il m'est permis de vivre

Léon: ça me touche beaucoup ton commentaire

ardentedomo: il y a toujours un fond autobio dans ce qu'on écrit; ici, c'est plus que le fond. Merci pour vos mots.

Âme: Tu sais quoi? Je peux voir l'amour dans ses yeux maintenant...ça aura pris 5 ans. Quel bonheur!

Anonyme a dit…

Ce texte est magnifique...
Ta persévérance et ta patience évoque la véracité de ton amour pour lui. Cinq ans pour qu'enfin une flamme point l'horizon...
Très heureuse pour toi chère Dame, tu le mérites bien...

Anonyme a dit…

Trois.

La première ne vit pas très bien avec la faille originelle. Elle a un potentiel infini, mais aussi un besoin de plaire de la même taille. Bonsoir estime de soi.

Le second était le plus tourmenté. Non pas pour l'abandon, mais quelque part, une mauvaise connexion. Son enfance a été un enfer, tant pour lui que pour sa famille. Aujourd'hui, il est le plus heureux, même s'il ne voit pas le chemin devant lui.

La troisième n'a jamais été abandonnée, elle. Mais c'est elle qui m'a abandonné. Parce qu'elle s'est sentie abandonnée

Aucune de ces histoires est simple. Mais de ce que je lis, tu as mieux réussi que nous, la mère de mes enfants et moi. J'en suis ravi pour ton petit homme, pour toi et les tiens.

Merci d'avoir partagé ce moment. Ça me rassure.

Yugurta a dit…

La Mère est une Mer amère.
L'Alliée est l'Océan amène.
L'homme éduqué par l'une ne peut Etre L'Homme "élevé" par l'autre.
Nouvelle dignité née de la liberté ?
Ou tout simplement Le retour de l'Âme ?
Ah, VOUS, FEMMES !
De votre flamme est faite La Lumière !
Et de notre flemme surgit Le Néant !
Infâme scène de l'abandon qui se fait si douce entre tes mains de fée transie d'amour !
Moins que Les Anges d'astreinte, je t'envies Ce Bien Fou !

Perséphone a dit…

fannymay: merci fanny, je ne sais pas si je le mérite, c'est comme si la question ne se posait pas.

désespéré: ouf. Je sais ce que c'est. Je ne dévoile ici qu'une partie de la réalité, je ne peux me débarrasser de l'espoir.

yugurta: j'suis toujours comme dans un rêve quand je te lis ;-).

Merci @ tous. Il fallait que je fasse ce pas.

LoupDeVille a dit…

Une maman qui parle de son fils, je pense ici en tout cas billet remplis de tendresse et d'amour envers cet être que tu laisses vivre et se développé,tu en restes profondément attachée en tant que mère génitrice mais il faut que tu jettes en bas du nid un jour comme le fais la femelle oiseau à sa nichée.

Bravo! Maman Perséphone

Miss Klektik a dit…

C'est si peu, mais je pense comme PL. Bises xx

Anonyme a dit…

Une brise d'humanité souffle sur la grisaille du jour.
Le soleil en sourit.
Cela me réchauffe le cœur.

Perséphone a dit…

LoupdeVille: il est trop jeune encore pour être jeté hors du nid. Merci pour ton commentaire

Miss K: j'apprécie, ça veut dire beaucoup pour moi. xxx

Daud: faire sourire le soleil, c'est beau, Merci!

Perséphone a dit…

**Dépoussiéré: désolée, je t'ai débaptisé!

Z. a dit…

En tant qu'enfant adoptée, cette lettre est venue me chercher dans le fond du coeur. Chaque histoire est unique, mais on sent le courage et l'amour de la vôtre. Et ça, c'est ce qui reste jusqu'à la fin.

Perséphone a dit…

Z.:Tu me réconfortes. Bienvenue ici.