mercredi 19 mai 2010

Damaged

Elle s'est manifestée une première fois par un mois de décembre, à l'aube du nouveau millénaire. Quelle joie d'accueillir sa venue! Son rêve vivait à travers moi et j'allais la connaître ! Je l'aimais déjà, ...tellement. Cet état second de bonheur qui transporte, qui nous fait sentir vivant, complet, en apesanteur. J'ai ressenti le besoin de lui offrir quelque chose, un témoin de mon coup de foudre, un talisman de mon amour. Un chat peluche. Et elle, elle s'appelait Dorothy.
Mais la rencontre n'eut pas lieu. Elle avait été retenue ailleurs. Et elle a dû être mutée. Quelle grande déception! Ça m'a un peu inquiétée, mais il fallait conserver un esprit positif, malgré les blessures suscitées, on allait se reprendre, ce n'était qu'une question de temps. Le fantôme du premier deuil effleura mon esprit malgré tout.
Au printemps suivant, elle tenta le trajet mais se trouva perdue, remballant nos rêves. Je l'ai su plus tard. À l'été, elle me fait savoir qu'elle avait entrepris à nouveau le périple. Un peu sur mes gardes, je veux m'assurer qu'elle ait pris le bon chemin. On m'affirme le vendredi que tout semble bien se présenter, malgré certaines informations contraires qu'on met de côté; à ce moment, les "autorités" considérèrent suffisamment sécuritaire de refaire une mise au point le lundi suivant seulement, ne semblant pas alarmées par les données obtenues. Mais Dorothy a déjoué facilement les statistiques, et par ses actes inconscients, esquissait la potentialité de ma mort. En fait, elle m'a presque tuée, simplement.
Ces longues minutes de torture, pendant lesquelles elle s'attarda au même endroit qu'au premier rendez-vous manqué, en ce lundi matin de juillet; ces minutes furent une expérience d'éternité. Une éternité douloureuse, sur un fond de sentiment d'urgence. Non. Non, je n'ai pas vu ma vie défiler. Mais mon corps a fait ce qu'il fallait: il a priorisé l'éveil. L'énergie disponible étant réduite, il a dû "mettre de côté", et les facultés primitives sûrent prendre le plancher.
J'ai lutté contre la noirceur. Clouée au sol, muette de douleur, comment crier?
Comment actualiser la présence de la mort dans ces conditions?
Comment manifester l'urgence de la situation quand le corps perd ses fonctions, que l'éveil représente une lutte constante contre l'annihilation?
Il m'a aperçu, un moment donné. Mon corps était froid, parait-il. Et humide. Froid et humide. Mon sang pourtant fuyait dans mon corps, en feu sinueux me brûlant de sa salinité. Il fuyait mes veines par le chemin designé par Dorothy et envahissait mon être dans des voies interdites. Pour me perdre? Pour me punir?
J'ai soupçonné à ce moment qu'elle m'en voulait. À la première faille, causée par elle pourtant, elle décida d'y enfoncer le couteau. Pour me faire disparaître. Indigne d'être mère, et non pas mère indigne. C'est différent. Croyez-moi.
Ce qui suit n'est que charcuterie. On détruit un des deux chemins. Trop endommagé. Mais Dorothy revient à la charge en décembre, juste pour manifester sa possible présence. Évidemment que mes attentes maintenant altérées par l'expérience, demeurent craintives et anxieuses. Elle a tenté un retour à 3 reprises par la suite. Étrange de demeurer froide mais c'était nécessaire pour l'équilibre, je crois.
Aujourd'hui, je suis heureuse d'avoir oublié les dates. Mais je connais l'intervalle. Six rendez-vous manqués en 2 ans. J'ai arrêter d'y croire tout en tentant d'accepter le vide et le désarroi.

3 commentaires:

LoupDeVille a dit…

le deuil est différent et à la fois semblable pour tous. Cela dépends de " qui nous sommes " et de la façon que l'on la survit ou la vit!

Magnolia a dit…

Dit-toi que meme voulue, cedeuil est le plus dur a faire chez une femme

Perséphone a dit…

Je l'ai voulu une fois, et pas voulu 8 fois.