mercredi 15 juillet 2009

Le contrat

"...le serveur dépose mon verre...un bon whiskey irlandais comme je les aime, sans glaces. Un Blackbush, pour la nostalgie et la mémoire. Slante! Un flash de cette vie d'avant, dans cette île verdoyante et sauvage; l'humidité constante et la force du vent; les maisons abandonnées, l'histoire, la famine, la violence. Mes racines. Bon suffit, on revient au présent.
J'adore quand ce liquide réchauffe et brûle ma langue et ma gorge. À petites gorgées, j'apprécie. Je me remets en tête les détails importants, mise en place du personnage, et j'attends en m'appropriant l'endroit. Pas beaucoup de femmes seules dans cet établissement. Je détonne un peu mais ça ne fera qu'accentuer le sentiment de conquête du prédateur. Je sais que dans les yeux de ces hommes qui jettent un regard furtif dans ma direction, profitant d'une distraction de leur compagne, ou des esseulés qui se permettent carrément une évaluation visuelle, j'apparais comme une biche sur le bord de l'affolement tout en dégageant une féminité débordante de promesses et d'assurance de plaisirs. Trop facile. Z'avez pas idée.
Bon le voilà qui arrive. Quelques banalités échangées, on passe à l'action, après un caprice d'un 2e whiskey, pour moi, bien sûr sur son compte.


Une autre scène, l'ambiance se transforme. C'est comme si en changeant de décor, la dynamique et la couleur des personnages se présentaient sous une autre lumière. La vraie vie dans son implacable vérité. J'aime, ça me ramène les pieds sur terre et me rappelle les raisons pour lesquelles je m'évade.

Dans un premier élan il explore la résistance et tâte la latitude en profitant de l'ombre d'une ruelle quelconque, assez soudainement. J'apprécie l'audace. Bon "move". Ce sera peut-être intéressant finalement.

Dans un chez lui plutôt dénudé, il s'expose rapidement après un autre baiser assez mouillé et fouillé. J'suis allumée. Je me perds dans le jeu du désir. Il reconnaît mon abandon. Pause imposée de lui. Mmmmm...oui; il s'y connaît. J'anticipe alors.

Subtil dans sa perversion, j'ai appris tout ce qu'on peut faire avec une bouteille de "grappa", à partir de son état plein à la sortie du congélateur, dans l'unicité et le partage ludique du liquide, dans la bouche, sur le corps et dans la tête, jusqu'à son utilisation dans un coin de la chambre, en m'appuyant et m'aidant de mes mains sur les murs, pour cette image dictée provenant de ses fantasmes fouillés.

Je réponds aux ordres et il tient la corde. Dans un état non plus second mais en tierce et en juxtaposition, je participe et me plie à ses jeux avec ces drôles d'objets, ses jouets; certains contrôlés à distance, d'autres illuminés, et quelques uns auxquels il a pu trouver d'intéressantes utilités. Que de surprenantes sensations, la découverte extrême dans le sexe sans limitations!

Pour ces trois heures, je ne peux nier le plaisir éprouvé; malgré mon laisser-aller j'étais en apprentissage et j'ai pu apprécier. Mais pas le décor anonyme et insipide, qui par moments, dans la lumière froide, me ramenait une lueur de réalité.
Je révise objectivement la soirée. Il a souri, c'est bon signe, j'ai appris en être soumis et il a jouit.
Pas si mal, c'était l'art du pur plaisir, sans amour, qui implique que je conserve mes orgasmes pour moi, sans qu'ils s'en doutent. Ce sont mes règles, mes barricades, mes remparts. Je ne donne pas, je prête, je m'offre mais n'abdique.
Je reprends mes effets ici et là épars, effaçant mes traces de cet espace.
Une fois l'homme repu, j'ai pu quitter dans l'ombre et prendre le chemin vers mon nid. Je me sens rapace mais un contentement serein me suit... Je me revois sur la verte falaise, témoin de la puissance de la nature et de l'instinct de survie. Je respire et je vis."


10 commentaires:

Anonyme a dit…

Dommage pour ce décor sans saveur, mais peut-être que ça aide à respecter le « contrat » au fond.

Parfois c'est bon de (se) donner, malgré tout ;)

23

Manu a dit…

On ne peut accuser l'homme de prendre et de voler ce qu'on lui offre si gratuitement sur un plateau.

C'est un peu comme de dire : ''Je me donne à toi, sale voleur aveugle. Prends-moi connard. Tu devrais avoir honte.''

Bon texte.

Yugurta a dit…

"Rang donné" afro-para-disiaque où tout homme t'appartient sans consentement, pris dans les rêts d'un "corps à coeur" à la force d'esprit redoutable!

LoupDeVille a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
LoupDeVille a dit…

Ce billet après trois lectures peut, selon l'angle que l'on en fait la lecture avoir trois niveaux distinct: 1- Pour les mots eux-même sans analyser plus à fond.

En deuxième lecture: Celui d'une victime de " ces hommes " qui trop souvent prennent les femmes comme des objets et l'apothéose

La troisième lecture: Celle de la chasseresse qui comme trop souvent certain hommes font prennent l'autre pour un objet et ici c'est la femme qui a ce rôle; de chasseresse qui vainc en finale.

Âme Tourmentée a dit…

Et tu reste ainsi maître de tes nuits....

-xxx-

97 a dit…

Fausse proie, on se demande qui est 'attrapé ou se laisse prendre' in fine...

Rencontre atemporelle, non pas de l'autre mais de ce 'soi fantasmé'.

;-)

Perséphone a dit…

23: Oui, le contrat a été respecté, mais beurk! pour le décor. Oui c'est bon de (se) donner. Ça dépend pour quoi et combien. ;-)

Manu: T'as raison, mais qu'y a-t-il de gratuit, dis-moi? Malgré tout je conserve cette attitude qui semble plaire. :P
Merci de me lire.

Perséphone a dit…

Yugi: où es-tu, frère? N'empêche que c'est tout nouveau cette reconnaissance de force....surtout pour moi. ;-)

LoupDeVille: malgré la finalité évoquée dans ton interprétation à la 3e lecture de l'action, le doute demeure dans mon esprit, et ce, malgré même mon rôle actif dans la situation. Mais j'adore ton commentaire.

Âme: je reste maîtresse tu veux dire. ;-)

Perséphone a dit…

97: Bah! J'admets avoir eu beaucoup de plaisir, n'empêche. Contente de vous lire toi et 23. Bises.